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  La Marine militaire belge 1830-1860 (V)

 

V Le service Ostende-Douvres. L'affaire du Rio-Nunez.


Dans l'entretemps, comme nouvelle conséquence du développement de notre vie nationale, était née l'idée de faire participer la Belgique au service postal établi entre l'Angleterre et le continent, par Ostende et Douvres.

Un intérêt très grand pour notre pays s'attachait à la prospérité de cette ligne que l'on voulait faire rivaliser brillamment avec les autres reliant également la Grande-Bretagne au continent, c'est pourquoi le gouvernement la confia à la Marine royale.

L'État eut recours à l'industrie anglaise pour se procurer notre première malle-poste, elle fut construite à Londres. C'était un paquebot en fer de 600 chevaux, filant 12 nœuds ; l'ingénieur Guiette de notre flottille fut chargé de surveiller les travaux.

Baptisé le Chemin de fer belge, il fut inauguré le 3 mars 1846 ; F. Claeys, l'ancien capitaine de la compagnie des marins, en reçut le commandement, il sut inspirer confiance ce qui n'était pas facile, observa un contemporain, surtout avec des voyageurs anglais.

Bientôt, pour compléter l'exploitation, le gouvernement fit construire chez J. Cockerill, sous la surveil lance de Guiette, deux autres steamers semblables au premier, mais notre ingénieur se servit de plans défectueux et les navires Ville d'Ostende, lancé le 3 août 1847, et Ville de Bruges mis à l'eau le 21 décembre suivant, n'eurent pas les qualités requises, mais nos officiers surent pallier les inconvénients et le personnel se révéla exceptionnel.

On ne sait pourquoi les trois paquebots furent bientôt débaptisés et nommés Diamant, Rubis, Topaze. Le 18 mars 1847, les Chambres avaient encore voté un crédit pour l'achat d'un autre bateau à vapeur, le Comte de Flandre qui, monté par des équipages militaires, renforça la ligne de l'Escaut.

Tout ceci n'empêcha point la navigation lointaine, en effet, le 25 juillet, le Scheide retourna aux Grandes Indes et en revint chargé de riz, de thé... et de singes pour le Jardin zoologique. Le 3 novembre 1847, l'Emmanuel reprit le large pour Batavia et rentra au bout de onze mois.

Ces multiples services rendus à l'activité commerciale ne forcèrent toujours pas la reconnaissance du pays très occupé alors par les discussions relatives à la défense du territoire ; malheureusement une commission se prononça sur le peu de concours que l'on pouvait espérer de notre modeste escadrille pour la protection d'Anvers et deux sénateurs en profitèrent pour la prétendre totalement inutile.

En sus, la révolution française de 1848 acheva de développer chez nous le désir de réaliser le détestable « gouvernement à bon marché » et l'expérience en fut tentée ; la Marine fut sacrifiée la première, on n'accorda plus d'équipages au commerce, un départ de l'Emmanuel annoncé pour le 15 octobre se trouva ainsi compromis, son commandant sauva la situation en obtenant, à ses dépens, de conduire quand même le trois-mâts aux Indes.

A vrai dire, nos officiers ne furent pas déçus en se voyant décharger de ces missions car les entreprises toujours mal étudiées par les armateurs n'attiraient que le discrédit sur nos marins engagés « par ordre » ; plusieurs fois ces officiers avaient manifesté leur mécontentement, faisant ressortir qu'ils n'étaient pas entrés dans la carrière militaire pour se faire les serviteurs des négociants, leur éducation, leurs aspirations étaient incompatibles avec le métier qu'on leur faisait exercer et où ils ne recueillaient que découragement.

Poursuivant son programme restrictif, la Chambre trouvant, au retour du Duc de Brabant d'un voyage en Amérique du Sud, qu'il n'y avait momentanément aucun emploi à lui donner, décida son désarmement complet ; ce fut une grande erreur. Pendant ses randonnées, le capitaine-lieutenant de vaisseau Schockeel en avait admirablement dressé l'équipage et rendu le modeste voilier apte à représenter dignement le pays à l'étranger et, tandis qu'à Anvers et dans nos grandes villes on se moquait de notre petite marine, le brick était reçu avec considération et fêté à Rio de-Janeiro, Buenos-Ayres, Valparaiso, dans les contrées maritimes. « Montrer le pavillon avec honneur à l'aide de coquilles de noix », pour nous servir de l'expression du facétieux représentant Coomans, faire beaucoup avec peu, est un tour de force, dénote un homme de valeur et Schockeel avait obtenu ce résultat.

Mais nos marins eurent beau faire, le flot montant de la démagogie qui partout s'acharnait à abaisser l'autorité, à réaliser des économies destructrices des services publics et les lazzis des partisans du laisser-aller, dénaturèrent leurs actes. Nos « coquilles de noix » furent jugées un luxe inutile, n'avoir d'autre raison d'être que de répondre à des visées extravagantes de la Cour.

Trois canonnières partagèrent le sort du Duc de Brabant, les équipages furent licenciés, les officiers placés en disponibilité, c'est-à-dire réduits à un trai tement de famine. Une économie annuelle de 136.000 francs se trouva ainsi réalisée !

A la suite de cette mesure, plusieurs officiers demandèrent à passer dans la marine fédérale allemande qu'on organisait et des offres alléchantes leur avaient été faites. Semblable autorisation fut accordée à sept d'entre eux ainsi qu'à des sous-officiers ; les officiers, enseignes en Belgique, obtinrent immédiatement le grade de lieutenant de vaisseau, chacun reçut le commandement d'un bâtiment et l'un d'eux, Pougin, devint chef d'état-major de l'amiral, un autre fut chargé de la direction des pupilles ; un de nos sous-officiers devint le maître d'équipage apprécié de la frégate du prince Adalbert de Prusse. Mais, à cause de la susceptibilité de l'Autriche, cette marine fut licenciée en 1852. Nos officiers furent dédommagés par une pension.

Chez nous, les démolisseurs de la flottille continuèrent leurs assauts, ils firent supprimer les commandants de division à Anvers et à Ostende et, le 9 décembre 1848, il fut proposé de ne même plus rien porter au budget pour l'entretien du brick et des deux dernières canonnières, ce qui fut obtenu malgré certaines oppositions intelligentes et clairvoyantes.

En conséquence, la Louise-Marie seule resta armée, dans le but de croiser pendant l'été dans le nord, pour nos pêcheurs, et, en hiver, visiter les rives malsaines du Rio-Nunez : Le 4 mars 1848, sous la pression de l'armateur gantois de Cock et de quelques hommes d'initiative, une convention avait été conclue pour la cession d'un territoire situé sur les rives de ce fleuve, sur la côte occidentale d'Afrique où la France possédait déjà plusieurs factoreries. Cette cession fut obtenue moyennant une redevance minime payée au roi des Nalous, Lamina.

En vertu des prescriptions gouvernementales donc, en décembre 1848, notre goélette montée par 52 hommes commandés par le lieutenant de vaisseau Vanhaverbeke, cingla vers cette petite colonie, sa présence y était hautement nécessaire. Afin de ne rien enlever à l'importance des faits, nous résumons les rapports d'un témoin, le capitaine de frégate de la Tocnaye, commandant la corvette la Recherche, au chef de l'escadre française qui croisait alors en permanence dans ces parages : En arrivant dans l'estuaire du Rio-Nunez, le 26 février 1849, de la Tocnaye apprit par le capitaine de la corvette anglaise la Favorite qu'un roitelet voisin, Mayorré, chef des Landoumas, avait infligé d'indignes traitements aux blancs installés aux comptoirs franco-belges et que ces derniers avaient demandé protection à Vanhaverbeke. Celui-ci accompagné de deux officiers et de tous les traitants, était allé à Deboqué, capitale de Mayorré, pour obtenir réparation, mais sans résultats ; des étrangers avaient persuadé le petit potentat que le moment était venu d'en finir avec les blancs ; deux commerçants anglais appuyaient cette politique et lui fournissaient des armes et même des canons.

De la Tocnaye, en présence de la gravité de la situation, se mit en rapport avec Vanhaverbeke, une expé­dition fut décidée. La Recherche ne put remonter le fleuve au delà de Ropass, à cause de son trop grand tirant d'eau, la Louise-Marie elle-même dut s'arrêter pour le même motif.
Le 12 mars, l'expédition composée de 35 hommes du navire français et de 30 de la goélette belge, avec deux petits mortiers, transportés dans des embarcations armées en guerre, s'embossèrent devant Deboqué ; les traitants et une quarantaine de Yoloffs avaient accompagné.

La montagne de Deboqué était couverte de noirs résolus mais qui n'osaient ouvrir le feu et Mayorré aurait voulu traiter, mais tiraillé en tous sens, il hésitait. Les officiers allèrent le trouver au milieu des siens, il ne fit que des demi-promesses, les négociateur ! se retirèrent pour lui envoyer un ultimatum qui fui accepté avec hésitation — il promit toutefois de rendre, à Ropass, à un indigène, résident français, sa femme et son enfant qu'il avait enlevés.
Vers 11 heures du soir, les forces franco-belge! regagnèrent leurs navires.

Arriva alors la corvette la Prudente, commandant de Kerhallet, qui resta en ces lieux car la situation s'était assombrie : Mayorré avait manqué à sa parole et de plus s'était vanté à Lamina d'avoir trompé les Européens ; dans ces conditions il fallait passer aux actes, une déclaration de guerre fut envoyée au trop rusé monarque et le blocus fut établi dans le fleuve.
On requit alors le petit trois-mâts belge l'Emma et la goélette française Dorade, appartenant à des commerçants et qui pouvaient remonter le fleuve, on mit à bord de chacun de ces bateaux, quatre pièces de canon ; l'Emma reçut, en outre, quatre pierriers et deux mortiers de 13 centimètres.
Le 21 mars au matin, des équipages de la Prudente et de la Recherche passèrent sur l'Emma et la Dorade: 160 hommes plus 20 Yoloffs.
La Louise-Marie fut laissée à Walkeria sous le commandement du second officier, l'enseigne de vaisseau Th. Ducolombier, tandis que Vanhaverbeke remontait avec les Français, emmenant sa chaloupe qui portait vingt hommes d'élite.

Dans la nuit du 23 au 24 mars, avec la marée montante, l'expédition se dirigea vers Deboqué ; le voyage fut périlleux dans un courant rapide, au travers de passes difficiles, il fallut remorquer les voiliers. Le 24 au matin, on était à nouveau embossé devant la « capitale », tout était prêt pour le combat.

L'ennemi n'avait pas causé d'inquiétudes jusqu'alors, un silence morne régnait, les défenseurs étaient cependant à leur poste, de sérieux préparatifs avaient été faits, une forte barricade en troncs d'arbres, de fascines et de planches percées de meurtrières battait en même temps les navires et le lieu de débarquement ; plusieurs pièces d'artillerie, placées à mi-côte étaient bien pointées contre les assaillants.
De la Tocnaye donna le signal de l'action, le feu fut intense pendant trois quarts d'heure, tant de l'artillerie que de la mousqueterie. Malheureusement les troupes de Mayorré demeuraient invisibles, cachées derrière de gros arbres et dans d'épais fourrés, le long des berges, et de là elles répondaient d'une façon très nourrie, mais les noirs tiraient trop haut et avec des projectiles irréguliers, ce qui évita bien des mécomptes.
Cependant, vers 9 heures, le feu de terre sembla se ralentir et l'ordre de débarquement fut lancé ; en même temps que les Français, une douzaine d'hommes de la Louise-Marie entraînés par j'enseigne Dufour, s'élancèrent avec fougue.

A ce moment, l'adversaire qui avait été débusqué de la rive droite par la mitraille et les obus, voyant le feu de la mousqueterie des bâtiments presque éteint, revint à la charge avec une telle rage que de Kerhallet et Vanhaverbeke furent contraints de différer leur propre débarquement pour faire face à cette nouvelle attaque et protéger ceux qui étaient descendus.
De la Tocnaye était sur la rive de Deboqué avec 130 hommes, Dufour et des membres de la Louise-Marie faisaient partie de cette première division de débarquement ainsi que 18 Yoloffs. L'escalade de la montagne fut entreprise pour débusquer l'ennemi dont le feu plongeant gênait, l'assaut fut mené avec enthousiasme, sans tirer un coup de fusil ; en abordant les premières habitations, une décharge à bout portant fit tomber quelques-uns des meilleurs matelots mais la course fut reprise à la baïonnette, les noirs furent débusqués de toutes parts et au même instant, par un hasard providentiel, une bombe vint s'abattre dans
le « palais » de Mayorré qui venait de mettre lui-même le feu à une pièce de 24 pointée sur l'Emma ; le roi déguerpit précipitamment, emmenant le restant des défenseurs. Il ne restait que les tirailleurs qui s'étaient arrêtés derrière la forte palissade qui entourait la ville, mais l'obstacle fut forcé et il fallut alors chasser les guerriers des bois épais qui entouraient Deboqué.

Cinq marins furent encore blessés, cependant la fusillade se tut, la position était prise. Il fallut, pour revenir aux bateaux, franchir le vaste incendie allumé par les bombes et les obus, emportant péniblement les victimes sous un soleil ardent et au milieu d'une atmosphère embrasée de 45° à l'ombre.

Vanhaverbeke venait, de son côté, de faire incendier la petite ville située sur la rive droite et qui appartenait au principal chef de Mayorré, c'était là que ce dernier avait caché ses objets les plus précieux dont un magnifique uniforme de général, ainsi que ses marchandises.
Vers trois heures de l'après-midi, on put rembarquer avec un canon pris à terre, après avoir encloué et précipité les autres dans le fleuve. Deux blancs avaient été tués et douze blessés, des coups de feu isolés causèrent de nouvelles blessures, Dufour notamment fut légèrement atteint.
Lorsque l'affaire était déjà terminée, arrivèrent une soixantaine de noirs armés, des alliés, qui réunis aux maraudeurs, achevèrent après le départ de l'expédition, la destruction et le pillage.

La soirée se passa sans troubles, mais à onze heures il y eut une alerte, l'Emma essuya des coups de feu, tirés de la montagne, on y répondit par des bombes et des coups de canon ; le même incident se produisit le lendemain, quelques bombes tinrent les agresseurs à distance : les mortiers en lancèrent 96 durant l'expédition.

Les embarcations démarrèrent avec le reflux, remorquées par les canots, et bientôt elles se trouvèrent harcelées par des fusillades partant des buissons couvrant les rives ; il fallut faire parler constamment les caronades. Enfin, mais non sans peine, la Louise-Marie fut rejointe à Waikeria.

Thongho, frère aîné de Mayorré et prétendant à la royauté qu'il avait déjà possédée, s'y trouvait avec une centaine de partisans armés ; pour parfaire la punition, Thongho obtint satisfaction et ceignit la « couronne ».

Le 26, le retour se poursuivit, accompagné toujours de coups de fusils partis des rives ; un nègre de la Prudente tomba foudroyé d'une balle à la tête. Sur le point d'arriver au terme de leur course, les nôtres furent plus vivement assaillis ; la Louise-Marie fut obligée de mettre en action ses six pièces de bâbord et ses deux mortiers. Dufour fut frappé d'une balle à l'origine du nez et qui lui brisa l'os du palais ; un matelot belge reçut également un projectile. La goélette se trouvait dans un des tournants brusques de la rivière, drossée par un fort courant et, malgré les plus grands efforts de la chaloupe qui la remorquait, elle fut jetée à la côte, sous le bois sacré du Rio-Nunez. La situation du navire était critique et cependant son commandant ne pouvait s'en occuper, il devait se soucier avant tout de repousser l'ennemi qui l'assaillait de près. Sur ces entrefaites, arrivèrent la Dorade et l'Emma, qui purent protéger la Louise-Marie par leurs feux croisés lorsque son inclinaison devint si considérable qu'il lui était impossible d'user de son artillerie : elle faillit chavirer. Il fallut évacuer ses blessés et ses malades sur la Dorade, sous la fusillade ; Vanhaverbeke était si occupé qu'il ne s'aperçut même pas qu'une balle venait de traverser son chapeau près du front.

Enfin, la goélette cessa de s'incliner, son arrière, saisi entre deux roches, se maintint en équilibre et elle put attendre ainsi le retour de la marée pour se relever et se remettre à flot. L'appareillage s'effectua dans la nuit et toute l'expédition, satisfaite des résultats acquis, arriva à Ropass.

Le commandant français rendit un bel hommage à la bravoure du lieutenant de vaisseau Vanhaverbeke, de ses officiers, sous-officiers et marins ; il signala notamment que le tontremaître de canonnage Rietveld se jeta sur une bombe qui allait éclater sur le pont de l'Emma et la lança à l'eau.

L'affaire du Rio-Nunez eut un grand retentissement en France et en Belgique. Le croirait-on, il se trouva, chez nous, des esprits assez étroits pour blâmer « l'intervention » de Vanhaverbeke dans ces démêlés où, cependant, nos intérêts commerciaux et la vie même des résidents étaient en jeu ; sans les éloges mérités du gouvernement français, il eût été désavoué.

Vanhaverbeke, les enseignes Dufour et Th. Ducolombier, ainsi que le chirurgien Durant, reçurent la Légion d'honneur ; Vanhaverbeke et Dufour reçurent également la croix de chevalier de l'Ordre de Léopold. L'aspirant Delcourt, qui avait aussi été héroïque, jouit d'un avancement au choix ; des sous-officiers et matelots furent récompensés. Enfin, les négociants du Rio-Nunez firent remettre au commandant de la Louise-Marie, un sabre d'honneur qui est exposé maintenant au Musée de la Porte de Hal

 

* * *

Il est intéressant de voir de quelle façon, à cette époque, était réparti le personnel de la Marine royale (les deux dernières chaloupes-canonnières furent désaffectées en 1850) ; nous la trouvons dans le « Résumé de la situation administrative des provinces et communes » : Pour les paquebots à vapeur de la ligne Ostende-Douvres, à terre, un capitaine-lieutenant, un ingénieur de 2e classe, un agent comptable, un quartier-maître, trois matelots de 2e classe et trois de 3e classe ; à bord, trois lieutenants de vaisseau de ire et de 2e classe, trois enseignes de vaisseau, trois contremaîtres charpentiers, trois maîtres d'hôtel, dix-huit matelots de ire classe, trois de 3e classe, trois premiers chauffeurs, treize chauffeurs, trois machinistes, deux chaudronniers.

Pour le service sédentaire de l'Escaut, un chirurgien aide-major attaché à la quarantaine, un chirurgien aide-major pour les émigrants, deux élèves chirurgiens, cinq matelots de ire classe, dix de 2e classe pour les bateaux à vapeur, quatre gardiens pour les canonnières et le brick désarmés, et deux mousses.

Pour le service du chantier d'Anvers, un ingénieur de 2e classe, un second-maître et trois gardes.

Pour le personnel de terre, un agent comptable et deux matelots de 2e classe.

Se trouvaient en disponibilité : deux capitaines-lieutenants de vaisseau, un lieutenant de vaisseau de 2e classe, sept enseignes, sept aspirants de ire classe, un sous-commissaire de ire classe et deux de 2e classe, trois chirurgiens sous-aides et deux écrivains. L'effectif était donc réduit à l'extrême.

Cependant, la Louise-Marie, mettant les bouchées doubles, voguait en été vers les glaces des Feroè et, en hiver, sous les tropiques où sa présence était encore fort opportune car la leçon infligée à Mayorré n'avait que momentanément mis fin à la politique belliqueuse de son petit peuple mécontent du trop faible Thongho.

Obéissant aux consignes gouvernementales, la goelette leva l'ancre le 31 décembre 1851, pour retour­ner au Rio-Nunez, toujours sous les ordres de Van­haverbeke. Le journal de bord tenu par l'enseigne Masui et conservé au Musée royal de l'Armée, nous apprend que les débuts du voyage furent pénibles ; il fallut relâcher à Deal et à Falmouth pour réparer le gouvernail et ce retard fit renoncer à une visite à Sierra-Leone.

La Louise-Marie se rendit directement à Sainte-Marie-de-Gambie où elle avait mission de recommander les intérêts de nos nationaux aux autorités anglaises, signe évident de l'insuffisance de notre protection, constatation irréfutable de notre faiblesse à l'extérieur.

Gorée fut atteint le 27 février 1852, Vanhaverbeke y trouva une lettre du consul de Belgique l'exhortant à se rendre d'urgence au Rio-Nunez. La goélette força les voiles et arriva à Ropass le 4 mars : les Nalous et les Landoumas étaient de nouveau aux prises, deux engagements sérieux s'étaient produits en janvier, heureusement les Landoumas envahisseurs avaient pu être refoulés.
L'une des escarmouches avait eu lieu à une centaine de mètres du comptoir franco-belge qui servait d'agence à nos commerçants, les belligérants avaient eu cinq ou six tués ; si les Nalous avaient été battus, cette importante factorerie aurait été pillée et rasée.

Le premier soin de Vanhaverbeke mué à nouveau en diplomate, fut de convoquer le consul et Bicaise, chef du comptoir, afin de connaître les causes de cette reprise d'hostilités ; il apprit ainsi que les Landoumas voulaient remettre Mayorré sur le trône et que Tongho s'était incliné, puis que Lamina, roi des Nalous, avait été sommé par l'usurpateur de lui céder à perpétuité le produit du droit d'ancrage des navires de commerce qui viendraient mouiller sur son territoire. Fort de l'appui des Européens, qui lui avaient garanti ce droit, Lamina avait refusé et la lutte avait commencé.

Deux bâtiments de guerre étrangers avaient déjà visité les parages, les commandants s'étaient évertués, mais en vain, à faire entendre raison au roitelet retors ; l'insalubrité du site avait obligé les entremetteurs complaisants à lever l'ancre.

Vanhaverbeke décida de renouveler une tentative d'accommodement. La proposition d'une entente amicale et neutre fut acceptée par les chefs ennemis, hélas ! ces ouvertures qui nécessitèrent plusieurs voyages de Deboqué à Caniope, n'eurent aucun résultat à cause de la ténacité des Landoumas qui, en réalité, voulaient accaparer tout le territoire des Nalous qu'en vertu de prétendues traditions, ils traitaient en intrus.

Lamina implora la protection des Belges. Abusant de sa qualité d'allié, il demanda que la Louise-Marie lui fournit de quoi armer les auxiliaires portugais qu'il venait de recevoir. Ne pouvant l'aider de cette façon sans risquer d'affaiblir ses propres moyens, le commandant de la goélette lui avança 2.500 francs qu'il eut la prudence de faire valoir sur la coutume de 1851 à 1852. La goélette devait prolonger son séjour à la colonie, mais sous condition pour les résidents qu'elle devait protéger, d'évacuer le haut fleuve endéans les trois jours afin de se transporter dans la zone d'efficacité des canons.
Les colons refusèrent d'abandonner leurs installations. Dès lors, la responsabilité étant couverte, toute peine devenait inutile et les frais extraordinaires étant interdits, la croisière fut poursuivie. Résultat : tout le commerce de la région se trouva paralysé, le marché de Deboqué fut abandonné par les Foulahs venant des contrées voisines et les transactions se réduisirent aux affaires locales.

Lamina voulant mettre en sûreté son fils et son neveu respectivement âgés de six et de quatorze ans, rêvant pour eux d'une éducation raffinée, les confia à Vanhaverbeke qui les amena en Belgique où ils furent confiés à un établissement d'instruction.

Tous ces incidents avaient fait subir des retards, il fallut renoncer à aller remettre au chef du Rio-Pongo un cadeau qui lui était destiné en récompense d'une offre de terrain qu'il avait faite au gouvernement belge.
Bref, la goélette cingla vers l'archipel des Bissagos, visita les îles Dormel, Cagnabec et Boulam, mouilla en rade de Bissao et à Bathurst où il fallait encore recommander nos intérêts à la bienveillance du gouverneur de Gorée ; enfin on fit escale à Hann et, le 15 juin 1852, la Louise-Marie revint au pays.

Elle retourna en Afrique le 23 janvier de l'année suivante, cette fois sous les ordres de Petit qui alla remercier officiellement le capitaine de vaisseau Baudin, commandant la station française de Gorée, qui avait envoyé un vapeur dans le Rio-Pongo où nos affaires avaient été compromises ; la mission de Petit consistait aussi à recueillir des renseignements d'ordre militaire et commercial. Arrivé à Victoria au mois de mars, il rendit visite à Lamina et apprit avec satisfaction que Mayorré, fatigué « d'échanger des coups de peigne » avec les Nalous, comme l'écrivit le lieutenant de vaisseau Godtschalck à un parent, et pressé par les Foulahs dont le trafic se trouvait ainsi perturbé, se tenait tranquille depuis quelque temps et qu'il était question de conclure la paix.

Les roitelets apaisés tournèrent aussitôt leur activité vers la diplomatie et Petit ne tarda pas à s'apercevoir que les multiples démarches faites auprès de lui par les deux partis n'avaient d'autre but que d'obtenir de la poudre et du genièvre.

Le journal de bord de l'aspirant Masui mentionne que le bâtiment quitta Victoria le 27 mars pour visiter le Rio-Pongo où Dufour fut envoyé aux informations, et Sierra-Leone. Le 7 juin suivant, la Louise-Marie rentra au bassin d'Anvers.

La convention conclue avec Lamina fut dénoncée en 1858, une convention nouvelle, exonérant notre gouvernement de toute charge, la remplaça ; elle conserva toute sa valeur jusqu'en 1920, ainsi qu'en atteste l'Almanach royal de cette année.

 

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